Au programme

In God I trust
Airs spirituels à l’époque de Henry Purcell

Caroline Bougy, mezzo-soprano
Patrick Boileau, ténor

Eva Rivera, harpe
Fabricio Melo, théorbe et guitare baroque
Damien Lecerf, viole de gambe

 

Né en 1659 alors que Cromwell vient de mourir, Henry Purcell connaît les soubresauts de la monarchie absolue comme l’affirmation des droits et libertés des sujets (Bill of Rights).

Les premiers pas du jeune Purcell à Londres se font en temps de peste avant que le grand incendie ne ravage la ville en 1666. La domination de l’Angleterre sur l’Europe n’a pas encore commencé. Les prémices de la philosophie des Lumières et du contrat social s’affirment.

Henry Purcell père est gentilhomme de la Chapelle royale et y chante. Ses fils (parmi lesquels, Henry et Daniel) baignent dans un univers musical. À 22 ans à peine, Henry Purcell obtient d’ailleurs le poste prestigieux d’organiste de Westminster, que lui cède son maître et aîné de dix ans, John Blow, puis celui d’organiste de la Chapelle royale. La boucle familiale est bouclée et la composition de musique sacrée, anthems et harmoniae sacrae notamment, devient une mission quotidienne.

Dans le programme In God I trust/O mighty God, présenté par l’ensemble Alchimik, des extraits de deux recueils titrés Harmonia Sacra, édités par Henry Playford en 1688 et 1693 : une approche rare à l’époque où l’on publie plus volontiers des recueils d’airs profanes. On y retrouve Henry Purcell mais aussi John Blow, le maître et confrère, qui composa plus de 100 anthems. Des œuvres instrumentales de Daniel Purcell (le frère) et Nicola Matteis, violoniste et guitariste virtuose à la cour, viennent compléter le paysage esquissé d’une Angleterre en pleine mutation.

Henry Purcell participe d’ailleurs directement à l’un des grands bouleversements artistiques de l’époque : l’avènement de l’opéra. Didon et Énée, écrit en 1689, est en effet considéré comme la première œuvre anglaise en ce domaine.

Tous les ingrédients sont réunis pour nous plonger dans ce programme original et attachant.

La démarche opératique est particulièrement évidente dans The Blessed Virgin Expostulation (La Remontrance de la Sainte Vierge) dont le texte est écrit par Nahum Tate, librettiste de Didon et Énée. Marie, incarnée et mise en scène, y partage ses peurs les plus intimes avec le public en une alternance de récits et d’airs.

Dans An Evening Hymn (Now that the Sun hath veil’d his Light), un ground hypnotique soutient le chant, rappelant, par sa structure, les lamentations propres aux opéras de l’époque.

Un contact direct s’établit avec Dieu, qui est interpellé et invoqué comme une puissance protectrice. Il intervient pour protéger le croyant face au déchaînement figuralisé des éléments : montagnes, éclairs et océans. Mais la nature, évoquée dans Oh Solitude ou An Evening Hymn est aussi, par sa beauté éternelle, source d’apaisement pour les âmes aspirant au repos.

Ultime consolation, la mort est omniprésente dans la musique religieuse de l’époque, acceptée et reçue avec foi par le croyant : le magnifique duo Close thine Eyes initialement écrit pour deux basses, résonne ainsi comme un chœur final d’opéra. C’est bien sur notre propre fin, pourtant, que nous sommes invités à nous pencher.

On aura vu les éclairs frapper, les éléments s’emporter, le monde tomber en cendres. Mais tandis que la lumière du soleil se voile doucement, l’homme et la femme de foi exhalent en paix leur dernier soupir…